- L'Etape du tour 2012 Acte 1 : Albertville - La Toussuire (Partie 2)
- La course
7:00 - Le départ est donné pour le 1er SAS.
Alors que nous sommes toujours en train d'attendre, un bruit, comme un bouchon de champagne, interrompt tout le monde dans ses discussions. Un gars devant vient de crever, il n'a pourtant rien fait de spécial, mais ce n'était certes pas le meilleur moment pour que ça lui arrive. Il tente de regonfler avec sa bombe anti-crevaison, mais rien n'y fait. Il finira par sortir du SAS, et je ne sais pas s'il aura finalement pu réparer et prendre le départ à temps.
7:40 - Le départ de notre SAS est donné, il était temps, avec la pluie et en restant immobile depuis trop longtemps, je commençais à grelotter. Les barrières sont retirées et nous sommes escortés jusqu'à la ligne de départ. Nous arrivons à coté de la flamme olympique qui a été rallumée pour l'occasion. De là, la course peut vraiment commencer. Peu importe si on franchit la ligne de départ 40 mn après les premiers, la puce de notre plaque sera détectée au passage de la ligne et le temps total en tiendra compte.
Dans les rues d'Albertville, ça part assez prudemment, tout le monde sait que l'étape sera longue. Il faut faire attention cependant, il y a de nombreux dos d'âne jusqu'à la sortie de la ville.
Peu avant d'arriver à un passage à niveau, j'entends le sifflet d'un gendarme prévenant d'un danger, et au moment ou nous franchissons le passage à niveau, 2 gars devant moi perdent leurs bidons et je les évite. En regardant sur le coté, il y a en fait des dizaines de bidons qui ont été perdus, ce passage a fait une véritable hécatombe, et je pense à ceux qui n'ont pas daigné s'arrêter pour reprendre leurs bidons (ou peut-être qu'ils ne s'en sont pas rendus compte?) et qui vont devoir à présent, gérer leur alimentation avec prudence.
Les 17 premiers Kms sont assez plats et nous permettent de nous échauffer. Nous arrivons alors au pied de la Madeleine, et dès les premiers metres de la montée, un gars devant moi n'a pas changé de braquet, il force comme un malade et commence à faire des zigzags sur la route. Je le double prudemment et soudain je sens un coup dans ma roue arrière. Au cours de ses zigzags, le gars avait fini par revenir sur moi, m'avait percuté et était finalement tombé. Tout en continuant à monter, je me retournes et vois que le gars remonte sur son vélo. Plus de peur que de mal, mais à mon avis, celui-là n'aura pas été au bout.
J'essaye de m'efforcer de monter la Madeleine à l'allure où je l'avais monté quelques semaines auparavant, mais par moment, les pulsations me semblent un peu trop élevées. Je réduis l'allure lorsque c'est nécessaire et j'arrive globalement à maintenir un rythme correct sans me mettre dans le rouge.
Sur mon vélo, j'ai ajouté une montre, et je m'efforce de boire régulièrement toutes les 5 mn.
Au fur et à mesure de la montée, la pluie s'arrête, et rapidement, le temps change du tout au tout. Il se met à faire très beau, et je dois m'arrêter pour enlever mon coupe vent.
Les derniers lacets de la Madeleine sont impressionnnants, on voit au dessus, tout comme au dessous, une longue procession de coureurs sur plusieurs kms.
En haut de la Madeleine, un premier ravitaillement liquide est prévu. Comme il n'y a pas trop de monde j'en profite pour faire le plein. Une tonne à eau accrochée à un tracteur, était stationnée et un gars y remplissait des pichets et faisait ensuite la distribution aux bidons qu'on lui tendait. Sitôt les bidons remplis, je ne m'attarde pas et reparts.
La descente est très roulante, je l'avais faite déjà il y a quelques semaines et je l'avais déjà bien appréciée. Je ne suis d'habitude pas un grand descendeur, mais le fait d'avoir d'autres coureurs devant soi et de jauger leurs trajectoires aide vraiment. C'est une des rares courses où la circulation est interdite, on peut donc aussi se permettre de prendre des trajectoires qu'on ne prends pas habituellement. Tout se passe bien et les coureurs sont assez espacés pendant la descente.
Arrivé en bas de la Madeleine, je m'arrête pour enlever mon coupe vent et m'étirer un peu. Je discute avec 2 autres coureurs, et l'un d'eux me fait: "Ca y est on en a la moitié de fait". Par rapport au kilométrage, et en arrondissant grossièrement, il a un peu raison, mais je me devais de lui rappeler qu'il restait encore 3 cols à monter et que le prochain n'était pas des moindres, pour l'avoir déjà monté récemment. J'espère ne pas l'avoir démoralisé.
Nous sommes à La Chambre, il y a un ravitaillement, mais je ne m'y arrête pas, je prends juste quelques barres énergétiques qu'on me tend au passage.
Le début du col du Glandon n'est pas loin, mais nous devrons tout de même faire une boucle supplémentaire de 10 kms relativement plats et qui n'étaient pas prévus lors de l'inscription en novembre. Cette portion a été ajoutée plus tard, suite à des travaux empêchant les coureurs d'emprunter la route habituelle.
L'ascension du Glandon démarre, et à la sortie du premier village, je double un type à l'allure étrange. En y regardant de plus près, je me rends compte qu'il est unijambiste et ne s'aide même pas d'une prothèse sur l'autre jambe. Tout les gars qui le doublaient affichaient un profond respect pour lui. J'apprendrais à l'arivée, qu'il court en paralympique et il ne mettra finalement que 2h de plus que moi.
La première partie du Glandon n'est pas la plus difficile, mais je me fais doubler par un type qui souffle comme un pompier. J'imagines très bien les problèmes qu'il va rencontrer lorsque la pente va se durcir.
Nous passons le petit village de St Colomban, où la pente se calme sur 1 km. Après, on attaque le gros de la montée avec des premiers kms à 8 / 9 % qui font déjà mals, et la fin, 2.5 kms, à 10 / 11 % de moyenne. Pendant cette montée, ça devient du délire, je vois des coureurs allongés sur les bernes essayant de recupérer, d'autres profitant d'une petite cascade naturelle pour se raffraichir et remplir leur bidon, et enfin des tas de cyclistes qui marchent à coté de leur vélo. Dans les derniers kms il y a énormément de "marcheurs", mais je ne serais pas gêné et je pourrais aller jusqu'au bout, tout en surveillant le cardio et en m'alimentant régulièrement. Dans les derniers lacets du Glandon, les premiers campingcars des supporters venus encourrager les coureurs (les vrais) quelques jours plus tard, sont déjà en place, et tout le monde nous encourage de bon coeur.
J'arrive en haut, un type est allongé sur le bord de la route, les pompiers essayant de lui faire passer ses crampes.
Un gars s'arrête à ma hauteur surpris de ne pas voir de ravitaillement, et je lui explique qu'il faut encore atteindre la Croix de Fer à 2.5 kms et où se trouve le prochain ravitaillement. Je le dépanne d'un peu d'eau comme il m'en reste suffisamment.
La jonction jusqu'à la Croix de Fer est moins dure que la partie finale du Glandon. Je double pas mal de coureurs, et on voit que tout le monde a été bien calmé par ces derniers kms.
En haut du col, je refais le plein de mes bidons, mange une demi banane et voit arriver la voiture chrono de fin de course. Je ne m'attarde pas et repars devant elle dans la descente. Celle-ci est plus longue que ce que j'imaginais, et je pensais qu'on arriverait plus rapidement au pied du col du Mollard.
L'ascension démarre, il y a déjà beaucoup moins de monde que dans les cols précédents. Je pense qu'il y a dû y avoir pas mal d'abandon ou élimination dans le Glandon. Le col du Mollard n'est pas très long, mais la pente n'est pas négligeable et est très régulière. Il n'y a quasiment pas d'ombre, et il fait toujours aussi chaud. Mon compteur indiquera jusqu'à 37°C. La voiture chrono me double pendant la montée, je la retrouve stationnée en haut et repartirais une nouvelle fois devant elle pour faire la descente.
Je croise peu de monde dans la descente. Il faut être prudent, de ce coté quelques virages assez serrés, ainsi que pas mal d'alternance de zones d'ombre et de soleil.
Arrivé en bas, un ravitaillement. J'hésite à m'arrêter, en principe j'ai assez pour aller jusqu'à La Toussuire, mais il faut que je prévois que ce sera peut-être plus long que prévu.
Je repars, il reste quelques kms pour atteindre St Jean de Maurienne, au pied de La Toussuire.
Nous attaquons la montée de La Toussuire, j'arrive à tenir les premiers kms, mais la fatigue commence à se faire sentir et l'allure à être plus faible.
Même si les pourcentages ne sont plus ceux du Glandon, j'utilise à présent mon plus petit braquet, et une ou deux dents de plus à l'arrière me serait à ce moment-là d'une grande aide. Je m'arrête finalement, 1 à 2 mn, pas plus, et je repars. Finalement, ça me redonne un peu de tonus et je me rends compte en retrouvant les coureurs avec qui j'étais quelques instants avant, et qui ne se sont pas arrêtés, que je garde finalement la même allure qu'eux. Je devrais rééditer 5 à 6 petites pauses durant la montée, à chaque fois que le pente s'élève un peu.
A présent, il n'y a plus vraiment de course, chacun utilise son plus petit développement, espérant simplement aller au bout et en finir avec cette satanée montée. Et dire que ma stratégie était d'assurer les premiers cols et de tout lacher dans la montée de La Toussuire, je n'aurais finalement pas d'énergie en rab pour cela, au contraire. Je pense que beaucoup avait envisagé la même stratégie également.
Pendant la montée, je croise 2 pompiers en train de soutenir un gars, arrivant à peine à marcher. Il avait visiblement été au-delà de ses limites.
Le même phénomène se produira plus loin dans la montée (domage pour le gars qui n'était plus qu' à 4 ou 5 kms de l'arrivée), et je préfère m'arrêter pour permettre aux pompiers de traverser la route. Après avoir déposé le gars dans le camion, un des pompiers me poussera ensuite pour repartir.
La fin de la montée est un peu moins dure, et je me sens repousser des ailes. Comme les pros, nous passons sous l'arche symbolisant la flamme rouge, avec l'ultime km à parcourir.
Nous arrivons dans la dernière ligne droite, moment d'intense émotion pour moi, car je repense à tout ce qui s'est passé depuis un an, les moments de doute avec le vélo cassé, les craintes de ne pas arriver à aller au bout. Il y a un speaker qui commente nos arrivées, beaucoup de monde est là pour nous applaudir, que c'est bon!
Sitôt passé la ligne d'arrivée, le bip de détection de la plaque se fait entendre, mettant fin au chrono. Quelques mètres plus loin, on nous remets notre médaille.
Je me rends au camion situé non loin de la ligne d'arrivée et y récupère mon sac, que j'avais déposé le matin avant le départ. Je discute avec un gars qui vient d'arriver lui aussi, il me confie avoir fait l'étape Modane - L'Alpe d'Huez l'année précédente, et qu'il a plus souffert sur l'étape d'aujourd'hui.
Voila, cette journée restera un excellent souvenir, comme un truc que je me devais de faire au moins une fois dans ma vie. Maintenant, il y a fort à parier que je retenterais l'aventure un jour ou l'autre.
Je tire mon chapeau à ces centaines de bénévoles sur le bord des routes et aux ravitaillements, et tous ceux mobilisés pour assurer la sécurité des lieux: gendarmes, pompiers, samu. L'Etape du Tour, c'est une organisation bien rodée, et je la conseillerais à tous les amoureux du vélo (avec un minimum d'entrainement ça va de soi).
Mon seul regret, ce sont sont tous ces déchets laissés à même la route, par les coureurs et qu'il est pourtant simple de remettre dans ses poches. Malgré les quelques efforts qui ont été fait par l'organisation (sac poubelles aux ravitaillements, grands filets de collecte un peu plus loin), il faudrait pouvoir arriver à responsabiliser chaque coureur. Ce sont des sites d'exception qu'il faut impérativement préserver.
- Quelques chiffres
5688: Le nombre de coureurs au départ
4422: Le nombre de coureurs à l'arrivée
3533: Ma position à l'arrivée
10h 38: Le temps total que j'ai passé sur le vélo
7h 26: Le temps total que j'ai passé dans les montées
Le Col de la Madeleine - classé Hors Catégorie:
- 25,3 km de montée à 6,2%
Le Col de la Croix de Fer (via le col du Glandon) - classé Hors Catégorie:
- 22,4 km de montée à 6,9%
Le Col du Mollard - classé 2ème Catégorie:
- 5,7km de montée à 6,8%
La Toussuire - classé 1ère Catégorie:
- 18km de montée à 6,1%
- Liens
http://www.letapedutour.com/ET1/fr/homepage.html
Le reportage de la course, fait par Velovelo, avec de nombreuses photos:
http://www.velovelo.com/article.php3?id_article=8812
- Ce que j'en ai retenu
Ma vision est surtout celle d'un amateur, alors il est fort possible qu'un compétiteur y trouve à redire. Cela dit, voici les quelques conseils que je pourrais donner à quelqu'un qui voudrait se lancer dans l'aventure:
- Avant toute chose prendre du plaisir lors de ses sorties d'entrainement.
- Planifier ses objectifs pour l'année à venir. C'est à mon sens, le meilleur moyen de se fixer des objectifs inermédiaires, et de ce fait pas trop lointains. Ce sont eux qui maintiendront votre motivation.
- Commencer à s'organiser dès les étapes connues au mois d'octobre. Le lieu du séjour doit être choisi judicieusement, et les réservations devront être passées rapidement. Ne pas oublier de penser à tout ses déplacements une fois la-bas, le jour J, à 7:00 vous devrez être sur le lieu de départ !
- Coté entrainement, y aller progressivement sans chercher à trop en faire au début, mais en augmentant peu à peu la distance et les difficultés à chaque fois. Ne pas hésiter à alterner avec des périodes de récupération, c'est pendant ces périodes que votre corps assimilera le travail effectué précédemment.
- Coté alimentation, s'habituer à boire régulièrement (et pas seulement quand on en a envie) et en quantité suffisante. En cas de déficit hydrique c'est la crampe assurée. Les boissons isotoniques du commerce sont en principe très bien adaptées. Bien tester les boissons et alimentation solide que vous choisirez, et pas à la dernière minute.
- Rouler en mettant beaucoup de variété: dans ses sorties, mais aussi dans l'allure, la cadence, la force, le volume des sorties, la fréquence cardiaque... Ce sont toutes ces composantes qu'il vous faudra travailler, mais je vous laisse vous rendre sur les sites spécialisés qui vous donneront de nombreux conseils pour cela.
- Les compteurs cardio sont un excellent moyen de contrôler ses efforts, mais il faudra au préalable bien connaitre ses seuils de fréquence cardiaque. Le seuil anaérobie (pour simplifier, votre fréquence, lorsque vous serez trop essouflé) est celui qu'il faudra chercher à ne pas dépasser, si vous voulez tenir longtemps.
- Monter un col, ca ne s'improvise pas, et il est préférable de s'y tester au préalable, tout en restant à l'écoute de ses sensations. Je dirais même que enchainer 2 cols c'est mieux, on ne verra pas forcément les effets d'une montée faite trop à bloc sinon, et on pourra être ammené à le payer dans la seconde ascension.
- Maintenir un carnet d'entrainement des différentes sorties. Il permettra de garder une trace de vos nombreuses sorties (les bonnes, mais aussi les moins bonnes qui donnent de nombreux enseignements) et de suivre votre évolution.
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